Souvenirs :  » La chasse à l’Abadie »

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Nous poursuivons notre plongée dans le passé abadien des années 1950. Le présent article est consacré à la chasse.

La chasse est devenu aujourd’hui un sujet de controverse; dans l’après-guerre cette question ne faisait pas débat.

À l’Abadie, la grande majorité des hommes chassaient. C’était une pratique traditionnelle, remontant à la nuit des temps (N.B : les femmes ne chassaient pas).

Dans chaque maison il y avait au moins un fusil, souvent plusieurs; la plupart des fusils étaient à canons juxtaposés, soit de calibre 16 – pour le petit gibier- soit de calibre 12, pour le gros. Ces armes étaient généralement de fabrication Manufrance. On se les transmettait de père en fils, et on les entretenait avec soin. Par souci d’économie, on fabriquait ses munitions, avec des cartouches déjà utilisées.

Pour des agriculteurs, très accaparés par leur labeur, la chasse était, de septembre à mars, tout à la fois une distraction et une activité utile, qui fournissait de la nourriture pour la famille.

Les Abadiens pratiquaient plusieurs types de chasse :

  • la battue : faute de très gros gibiers ( il n’y avait pas de sanglier en ce temps-là) elle se limitait au lièvre et au lapin de Garenne. Quelques chasseurs, souvent des voisins, se donnaient rendez-vous à l’aube sur un site prédéterminé, et se répartissaient les rôles : les uns avaient pour tâche de débusquer le gibier, à l’aide de chiens « courants », les autres, postés sur des points de passage présumés, attendaient l’arrivée escomptée de la proie. En cas de réussite celle-ci était partagée, ou consommée en commun par les participants, lors d’une « manjuca », moment de convivialité et d’évocation de souvenirs de chasse.
  • la chasse au vol : presque tous les foyers possédaient un chien, souvent un chien d’arrêt, pour les perdrix, très nombreuses à l’époque, et plus rarement pour les bécasses et les faisans. Pratiquée en général en solitaire ou à deux, elle exige de bons réflexes et beaucoup d’adresse au tir. En ce temps-là, ces volatiles étaient abondants et proches des hameaux des hauts de l’Abadie. Il faut rappeler que les terres étaient très cultivées jusque sur les pentes de l’Ubac, et que les produits chimiques destructeurs de la faune n’étaient quasiment pas utilisés.
  • « l’espera » (littéralement : l’attente) : la chasse la plus usitée alors, et la plus facile. Le chasseur se dissimulait sous des branchages ou une « cabane » aménagée sommairement et attendait la venue du gibier, essentiellement des oiseaux, dont le plus gros contingent était alors constitué par les grives, qui migraient vers le Sud à partir du mois d’octobre et remontaient vers le nord de l’Europe à la fin de l’hiver; certaines d’entre elles restaient dans notre région au climat tempéré, se nourrissant notamment d’olives. De ce fait nombreux étaient les Abadiens qui chassaient la grive quotidiennement, au lever ou au coucher du soleil, en ramenant parfois aussi dans leur « musette » des merles et écureuils.

En ces années-là nos agriculteurs recouraient par ailleurs à l’utilisation de pièges, pour les oiseaux, les renards et les blaireaux, dont la chair succulente était très appréciée. Ce mode de prédation avait un double objectif : éviter des pertes de récolte et agrémenter le menu alimentaire journalier, peu riche en viande.

On le voit,la chasse sous toutes ses formes occupait une place importante dans la vie des Abadiens dans l’après-guerre.

Depuis les choses ont bien changé : seule une minorité d’habitants la pratique et la faune s’est fortement raréfiée. La chasse est devenue principalement un loisir, mis à part les battues organisées pour éviter la prolifération des sangliers.

D.Saretta