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Un peu d’histoire : l’Abadie et l’armée

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Les moins anciens des Abadiens seront peut-être étonnés que notre village ait eu dans le passé un rapport avec l’armée. Et pourtant…

Vers la fin du 19ème siècle, les autorités militaires décidèrent de construire des ouvrages de défense dans l’est des Alpes-Maritimes. L’objectif : contrôler l’accès aux vallées en cas de conflit avec l’Italie.

De par leur situation géographique et topographique les collines abadiennes, surplombant les vallées du Paillon et de la Banquière, présentaient un réel intérêt stratégique. Il fut donc décidé de réaliser deux batteries souterraines : l’une sur les hauteurs de l’Ubac, l’autre sous le sommet du Masduc.

Autour de la batterie de l’Ubac

Les chantiers ne se limitèrent pas seulement au percement et à l’aménagement des galeries et à l’édification des tranchées de défense sur les pentes entourant ces batteries.

Il fallut aussi tracer des routes d’accès depuis les vallées. En effet, à cette époque les voies existantes se résumaient à des sentiers et de rares chemins muletiers ; ces derniers ne desservaient d’ailleurs pas les hauteurs de l’Abadie.

La route menant à l’Ubac, réalisée par l’armée à la fin du 19ème siècle, est celle connue aujourd’hui sous les appellations « chemin des Arnaud » dans sa partie basse, et « route stratégique du Mont Macaron », en amont. L’adjectif « stratégique » est précisément lié à son origine militaire.

armée
Pierre gravée, visible sur la Route stratégique du Mont Macaron, et sur laquelle on peut lire : « 3e de LIGNE 1896 ».

Faute de machines, les travaux s’effectuaient manuellement et nécessitaient beaucoup de main d’œuvre ; un certain nombre d’Abadiens furent embauchés à cette occasion. Cette voie présente une particularité bien appréciée par les cyclistes : ses virages en lacets sont quasiment plats ; la raison ? Éviter que les prolonges transportant les canons et munitions se renversent.

Une des entrées de la batterie de l’Ubac

La batterie du Masduc était reliée à la vallée du Paillon par l’actuelle route de la Lauvette, tracée avec les mêmes caractéristiques.

Quant aux forts, ils étaient conçus classiquement pour des ouvrages enterrés de ce type : ils abritaient des pièces d’artillerie, placées derrière des meurtrières, fermées par des volets métalliques fixés sur roulements à billes, et desservies par des galeries souterraines.

À l’intérieur les locaux étaient aménagés pour tenir un siège : citernes d’eau, lits, etc. Difficilement prenables, ces ouvrages ne furent cependant jamais engagés dans des combats, du fait du déroulement des deux guerres mondiales. Mais jusque dans les années 1930 les soldats s’y rendaient souvent.

Anecdotes :

  • dans sa prime jeunesse, mon grand-père, habitant au hameau du Saut de Millo montait à la batterie de l’Ubac pour « mendier » une ou deux cigarettes auprès des hommes de troupe.
  • l’âne de sa voisine s’échappait parfois pour suivre les chevaux de l’armée qui traversaient le hameau, et il fallait aller le rechercher.

Après la deuxième guerre mondiale ces deux batteries n’ont plus été utilisées et ont connu des sorts divers. Celle du Masduc a été ensevelie il y a une cinquantaine d’années lors de la création du lotissement du même nom.

Souvenirs :

  • pendant de nombreuses années après la Libération, deux camions GMC abandonnés par l’armée américaine sont restés devant l’entrée de la batterie sans que quiconque s’en soucie.
  • avec les copains d’enfance du Saut de Millo nous allions récupérer les roulements à billes des meurtrières, pour fabriquer nos carrioles, avec lesquelles nous dévalions les routes pentues du quartier.

La batterie de l’Ubac, désaffectée elle aussi, n’a pas été détruite. La galerie principale subsiste, ainsi que des vestiges des murs alentours. Il est déconseillée d’y pénétrer.

Intérieur de la batterie de l’Ubac

La présence militaire à l’Abadie est donc déjà ancienne, mais elle fait partie de l’histoire du village du 20ème siècle. L’armée nous a laissé en héritage, et ce n’est pas rien, une partie de notre réseau routier.

D.S