photos Les Clemensans

Souvenirs : « La vie à la maison »

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Au cours des prochains mois nous continuerons à raconter sur notre site internet le quotidien des Abadiens dans les années 1950.
Après un premier article consacré à l’activité journalière des paysans de la colline, on évoquera ici la vie domestique de nos ancêtres.

L’habitat :

A cette époque la majorité des habitants de notre colline résidait dans les hameaux. Il y avait encore peu de villas : celles-ci étaient souvent des résidences secondaires. Ce type d’habitat groupé, fréquent dans la région, était un facteur de convivialité et d’entraide. Le lien social était d’autant plus étroit que les résidents des hameaux étaient souvent issus des mêmes familles.

Comme on peut toujours le voir aujourd’hui les maisons, en pierres du pays (extraites de carrières situées sur les hauteurs de l’Abadie, en particulier à la Perdiguière et au Mont Ubac), comportaient en général un rez de jardin et un étage, plus rarement un deuxième étage, faisant parfois office de grenier.

Au rez de jardin une pièce à vivre – à la fois cuisine, salon et salle à manger – et souvent une cave. A l’étage les chambres, sans salle de bain ni WC : on se lavait avec une bassine, et on faisait « ses besoins » à l’extérieur dans des latrines ou des jarres.

photo clemensans

Le mobilier :

Il était constitué du strict nécessaire : table et chaises, buffet, garde à manger, lits, armoires et commodes. Pas de canapé, ni fauteuil, ni bibliothèque, ni secrétaire. Un seul « luxe » : une pendule sur pied, qui égrenait les heures et les demi-heures jour et nuit.

L’équipement ménager :

Il se limitait aux ustensiles de cuisine, à la vaisselle et aux couverts.

Aucun appareil électrique : à part un poste de radio que l’on écoutait quelques minutes par jour, surtout pour les « nouvelles »; pas de frigo, ni congélateur, ni robot, ni aspirateur, ni tourne disque, ni télé, ni téléphone. Les mieux lotis possédaient un réchaud à gaz (butane). Les autres cuisinaient au feu de bois dans la cheminée située dans la pièce principale, ou sur la cuisinière.

Comment se chauffait-on ? Uniquement au bois, autour de la cheminée ou du poêle. Les chambres étaient rarement chauffées, d’où le recours aux bouillotes (des briques enveloppées de papier journal ou de tissu) pour attiédir les lits, aux chemises de nuit, caleçons longs et bonnets en laine.

Cet inconfort était encore accentué par l’absence d’eau courante dans la plupart des maisons. En effet, dans ces années là l’Abadie n’était pas desservie en eau potable, elle n’arrivera que dans les années 80. Certains quartiers étaient alimentés en eau d’arrosage à « potabilité non garantie » mais les robinets étaient en général à l’extérieur. Les autres hameaux recouraient à l’eau des sources, ou à l’eau de pluie recueillie dans des citernes, plus exceptionnellement dans les puits. Pour boire il fallait donc, midi et soir, aller puiser l’eau à la source.

La vie domestique était évidemment conditionnée par cette rusticité : on se lavait, sommairement, à l’eau froide, la vaisselle était faite à la main, sans gants, de même que la lessive.

La plus pénalisée était sans doute la maitresse de maison; outre sa participation active aux activités agricoles qui l’occupait plusieurs heures par jour, elle devait assurer toutes les tâches domestiques (les maris étaient entièrement accaparés par leur métier de paysan). Faute d’équipement pour la conservation des aliments, elle était en particulier contrainte de préparer les repas chaque midi et soir. Les enfants étaient, très jeunes, mis à contribution lorsqu’ils revenaient de l’école (à pied bien sûr, quel que soit leur lieu d’habitation).

À la belle saison les repas se prenaient à l’extérieur, sous la tonnelle ou sous les canisses; nos agriculteurs ne rentraient à la maison que pour la sieste et pour le nuit.

photo village de l'Abadie

Aujourd’hui, en ces temps de confort maximal, on considèrerait comme insupportables les conditions de la vie domestique des Abadiens dans l’après-guerre. Pourtant, ils ne s’en plaignaient pas, car, comme leurs ancêtres, ils y étaient habitués.

Ma mère, 97 ans, qui a connu l’entre-deux guerres et donc une existence abadienne encore plus dure (pas d’électricité, ni transport en commun, ni sécurité sociale, etc.) me dit souvent « pourquoi les gens se plaignent-ils aujourd’hui ? »

Beau sujet de réflexion…

D. Saretta.