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Souvenirs : « les loisirs »

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Nous poursuivons notre chronique sur la vie à l’Abadie dans les années 50. Après la vie au travail et la vie à la maison, on évoquera ici les loisirs de nos ancêtres.  

Très absorbés par leur métier de paysan, les Abadiens ne disposaient que de peu de temps pour le loisir et la détente (en moyenne, deux fois moins de temps libre qu’un salarié aujourd’hui). La télé n’avait pas encore pénétré dans les foyers. Au quotidien c’est le soir, après dîner, que l’on se « distrayait » : blaguette avec les voisins, écoute de la radio, lecture du journal.

Le week-end se limitait au dimanche : le matin, en tenue endimanchée, on allait à la messe, car la pratique catholique était encore très respectée.

À la sortie de l’église, les hommes se retrouvaient à l’Auberge des Amis, pour jouer aux cartes et boire l’apéro. Après le repas dominical, les boulistes se rendaient sur les jeux de longue (boule lyonnaise) de la famille CONTINI, où ils pratiquaient leur sport favori tout l’après-midi, avant de remonter à l’Auberge pour une dernière tournée de pastis. En hiver, la nuit tombant plus vite, et faute d’éclairage des jeux, les joueurs rangeaient leurs boules plus tôt et se livraient à des parties de cartes : belote, vitou (le « poker » niçois) et quadrette (jeu tombé dans l’oubli).

Certains finissaient le dimanche un peu éméchés, ce qui provoquait parfois des disputes entre copains, vite oubliées.

En automne et en hiver, les hommes s’adonnaient presque tous à la chasse : perdrix, grives, merles, lapins et lièvres agrémentaient ainsi leurs repas habituellement très frugaux, de même avec la cueillette des champignons. Pour les femmes, les activités de loisirs étaient plus rares : faute d’équipements publics et de voitures, les Abadiennes passaient l’essentiel de leur peu de temps libre à la maison. Quelques conversations avec les voisins et voisines, tricotage, broderie, lecture : la liste de leurs distractions était très courte.

Ce n’est que pendant les fêtes que les Abadiennes avaient réellement l’occasion de s’amuser, notamment lors de la fête patronale de Sainte Claire, dans les bals qui animaient la colline pendant plusieurs jours, ou en allant dans les festins des villages alentour.

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[Avant la Deuxième Guerre Mondiale, les jeunes Abadiens pouvaient danser le dimanche après-midi au bar-restaurant BOLLIE, au son du piano mécanique que les « balarins » (danseurs) alimentaient avec des pièces de monnaie.]

 En été dans certains hameaux, des habitants se retrouvaient le soir sur la place, pour « prendre le frais », ou pour jouer à la pétanque.

Vers le milieu des années 50, le Comité des Fêtes introduit une grande nouveauté : le cinéma en plein air. Deux fois par semaine en été, deux dirigeants du Comité des Fêtes, le Président Antoine GIOAN et son adjoint Paul GUILLON, installaient un projecteur sur la place des marronniers de la propriété GIOAN, et un écran sur la façade arrière de l’église.

Grâce à eux, de nombreux habitants et estivants de toutes générations pouvaient ainsi « aller au ciné » sans descendre en ville.

Certes les films, souvent encore en noir et blanc, n’étaient pas récents, mais le plaisir était là. Pendant les entractes, nécessités par le changement de bobine, un vieil Abadien, surnommé « Toina dé sé lou Sera », nous amusait en formant avec ses mains des ombres chinoises sur l’écran.

Dans ces temps là les loisirs des enfants étaient évidemment très différents de ceux d’aujourd’hui, et davantage axés sur les activités de plein air. Il est vrai qu’à l’époque l’urbanisation de nos collines était encore faible et que les jeunes disposaient de terrains de jeux naturels et accessibles : les clôtures grillagées n’avaient pas encore envahi nos quartiers. Les garçons confectionnaient des lance-pierres et des sarbacanes, fabriquaient des carrioles avec des morceaux de bois et des roulements à billes (récupérés parfois dans l’ancienne batterie militaire du Masduc), jouaient avec des véhicules miniatures ou à des jeux de société (jeu de l’oie, dames, cartes) qui avaient commencé à pénétrer dans les foyers. À la belle saison les ados pratiquaient la pétanque, de préférence à la boule lyonnaise, domaine des « grands ».

Les filles étaient dans l’ensemble moins enclines aux activités de plein air. Elles jouaient à  » la maman », avec des poupées et poupons, avec des ménagères miniatures en plastique.

[Une doyenne Abadienne m’a raconté qu’entre les deux guerres, les filles devaient se fabriquer leur ménagère, avec des couvercles de pots de confitures en guise d’assiettes, et des morceaux de planchette fixés entre les pierres des murs pour constituer des étagères.]

 On observera que le sport ne tenait pratiquement aucune place dans la vie des Abadiens, quel que soit leur âge.

Il est vrai qu’après une journée de travaux agricoles nos ancêtres aspiraient surtout au repos ; ils n’avaient pas besoin d’entretenir leur corps comme les nouvelles générations, « victimes » de leur sédentarité. On peut par ailleurs rappeler que, comme les autres paysans de la région, ils n’avaient pas de congés payés, et ne partaient jamais en vacances.

En dehors des déplacements liés au service militaire obligatoire les Abadiens ne voyageaient pas ou très rarement.

On peut ainsi mesurer l’extraordinaire évolution qui s’est produite en à peine plus de 50 ans dans les activités de temps libre des Abadiens.